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regard lumineux, des membres assouplis par tous les exercices du corps, l’amour et le maniement du cheval, ce piédestal des princes ; une familiarité sans bassesse, une élocution facile, des élans de courage, une libéralité prodigue envers les arts, ces vices mêmes qui ne sont que le luxe de l’âge, tout le signalait à l’engouement populaire. Il en jouissait avec ivresse. Ces enivrements précoces atteignirent peut-être son bon sens naturel. L’amour du peuple lui parut une vengeance du mépris où la cour le laissait. Il bravait intérieurement le roi de Versailles en se sentant le roi de Paris.

Il avait épousé une princesse d’une race aussi aimée du peuple, fille du duc de Penthièvre. Belle, aimable, vertueuse, elle apporta plus tard en dot à son mari, avec l’immense fortune du duc de Penthièvre, la clientèle de considération, de faveur populaire et de respect public qui s’attachait à sa maison. Le premier acte politique du duc d’Orléans fut une résistance hardie aux volontés de la cour à l’époque de l’exil des parlements. Exilé lui-même dans son château de Villers-Cotterets, l’intérêt du peuple l’y suivit. Les applaudissements de la France lui rendirent douce la disgrâce de la cour. Il crut comprendre le rôle d’un grand citoyen dans un pays libre ; il y aspira. Il oublia trop aisément, dans l’atmosphère d’adulation qui l’entourait, qu’on n’est pas grand citoyen seulement pour complaire au peuple, mais pour le défendre, pour le servir et souvent pour lui résister.

Rentré à Paris, il voulut joindre le prestige de la gloire des armes aux couronnes civiques dont on décorait déjà son nom. Il sollicita de la cour la dignité de grand amiral de France, dont la survivance lui appartenait après le duc de Penthièvre, son beau-père. Elle lui fut refusée. Il s’em-