sédition ; Legendre, d’abord matelot pendant dix ans sur un vaisseau, avait les mœurs rudes et féroces de ses deux professions. Le front intrépide, les bras sanglants, la parole meurtrière, et cependant le cœur bon ; mêlé depuis 89 à tous les mouvements insurrectionnels, les flots de cette agitation l’avaient élevé jusqu’à une certaine autorité. Il avait fondé sous Danton le club des Cordeliers, ce club des coups de main, comme les Jacobins étaient le club des théories radicales. Il le remuait par son éloquence. Inculte et sauvage, il se comparait lui-même au paysan du Danube. Toujours prêt à frapper autant qu’à parler, le geste de Legendre écrasait avant sa parole. Il était la massue de Danton.
Huguenin, un de ces hommes qui roulent de profession en profession sur la pente des temps de trouble sans pouvoir s’arrêter nulle part, avocat expulsé de son corps, ensuite soldat, commis aux barrières, mal partout, aspirant au pouvoir pour retrouver la fortune, les mains suspectes de pillage ; Alexandre, commandant du bataillon des Gobelins, héros de faubourg, ami de Legendre ; Marat, conspiration vivante, sorti la nuit de son souterrain, véritable prophète de la démagogie, altéré de bruit, poussant la haine de la société jusqu’au délire, s’en faisant gloire, et jouant volontairement ce rôle de fou du peuple comme d’autres avaient joué dans les cours le rôle de fou du roi ; Dubois-Crancé, militaire instruit et brave ; Brune, sabre au service des conspirations ; Momoro, imprimeur, ivre de philosophie ; Dubuisson, homme de lettres obscur que les sifflets du théâtre avaient rejeté dans l’intrigue ; Fabre d’Églantine, poëte comique, ambitieux d’une autre tribune ; Chabot, capucin aigri dans le cloître, ardent à se venger