Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/20

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La Fayette accusait le prince de fomenter des troubles qu’il se sentait quelquefois impuissant à réprimer. On prétendait avoir vu le duc d’Orléans ainsi que Mirabeau mêlés aux groupes d’hommes et de femmes et leur montrant du geste le château. Mirabeau se défendit par le sourire du mépris. Le duc d’Orléans démontra plus sérieusement son innocence. Un assassinat en tuant le roi ou la reine laissait vivre la monarchie, les lois du royaume et les princes héritiers du trône. Il ne pouvait y monter que sur cinq cadavres placés par la nature entre son ambition et lui. Ces échelons de crime ne l’auraient conduit qu’à l’exécration de la nation et auraient lassé même les assassins. De plus, il démontrait par de nombreux et irrécusables témoignages qu’il n’était allé à Versailles ni le 4 ni le 5 octobre. Parti de Versailles le 3 après la séance de l’Assemblée nationale, il était revenu à Paris. Il avait passé la journée du 4 dans son palais et dans ses jardins de Mousseaux. Le 5 il était reparti pour Mousseaux. Son cabriolet ayant cassé sur le boulevard, il avait continué sa course à pied par les Champs-Élysées. Il avait passé la journée à Passy avec ses enfants et madame de Genlis. Il avait soupé à Mousseaux avec son intimité et couché encore à Paris. Ce n’était que le 6 au matin, qu’instruit des événements de la veille, il était parti pour Versailles, et que sa voiture avait été arrêtée au pont de Sèvres par le cortége qui portait les têtes coupées des gardes du roi. Si ce n’était pas la conduite d’un prince du sang qui vole au secours de son roi et qui se place au pied du trône entre le souverain menacé et le peuple, ce n’était pas non plus celle d’un usurpateur audacieux qui tente la révolte par l’occasion, et qui présente au moins au peuple un crime tout fait.