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VIII

Telle fut la réunion de Charenton, tels étaient les hommes invisibles qui allaient imprimer le mouvement à cent mille citoyens. Laclos et Sillery, qui allaient chercher pour le duc d’Orléans, leur maître, un trône dans les faubourgs, y semèrent-ils l’argent de l’embauchage ? On l’a dit, on l’a cru : on ne l’a jamais prouvé. Leur présence dans ce conciliabule est un indice. Il est permis à l’histoire de soupçonner sans évidence, jamais d’accuser sans preuve. L’assassinat du roi, le lendemain, donnait la couronne au duc d’Orléans. Louis XVI pouvait être assassiné, ne fût-ce que par le fer d’un homme ivre. Il ne le fut pas. C’est la seule justification de la faction d’Orléans. Quelques-uns de ces hommes étaient pervers, comme Marat et Hébert ; d’autres, comme Barbaroux, Sillery, Laclos, Carra, étaient des factieux impatients ; d’autres enfin, comme Santerre, n’étaient que des citoyens fanatisés jusqu’à la férocité pour la liberté. Les conspirateurs, en se concertant, activaient et disciplinaient la ville. Des passions individuelles, perverses, mettaient le feu à la grande passion du peuple pour le triomphe de la démocratie. C’est ainsi que, dans un incendie, souvent les matières les plus infectes allument le bûcher. Le combustible est immonde, la flamme est pure. La flamme de la Révolution, c’était la liberté ; les factieux pouvaient la ternir, ils ne pouvaient pas la souiller.