Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/202

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Pendant que les conspirateurs de Charenton se distribuaient les rôles et recrutaient leurs forces, le roi tremblait pour sa femme et pour ses enfants dans les Tuileries. « Qui sait, disait-il à M. de Malesherbes avec un mélancolique sourire, si je verrai coucher le soleil de demain ? »

Pétion, en donnant d’un mot l’impulsion de la résistance à la municipalité et à la garde nationale sous ses ordres, pouvait tout comprimer et tout dissoudre. Le directoire du département, présidé par le duc de La Rochefoucauld massacré depuis, sommait énergiquement Pétion de faire son devoir. Pétion atermoyait, souriait, répondait de tout, justifiait la légalité des rassemblements projetés et les pétitions portées en masse à l’Assemblée. Vergniaud à la tribune repoussait les alarmes des constitutionnels comme des calomnies adressées à l’innocence du peuple. Condorcet riait des inquiétudes manifestées par les ministres et des demandes de forces qu’ils adressaient à l’Assemblée. « N’est-il pas plaisant, disait-il à ses collègues, de voir le pouvoir exécutif demander des moyens d’action aux législateurs ? Qu’il se sauve lui-même, c’est son métier. » Ainsi la dérision s’unissait aux complots contre l’infortuné monarque. Les législateurs raillaient le pouvoir désarmé par leurs propres mains, et applaudissaient aux factieux.