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IX

C’est sous ces auspices que s’ouvrit la journée du 20 juin. Un second conciliabule, plus secret et moins nombreux, avait réuni chez Santerre, la nuit du 19 au 20, les hommes d’exécution. Ils ne s’étaient séparés qu’à minuit. Chacun d’eux s’était rendu à son poste, avait réveillé ses hommes les plus affidés et les avait distribués par petits groupes, pour recueillir et pour masser les ouvriers à mesure qu’ils sortiraient de leurs demeures. Santerre avait répondu de l’immobilité de la garde nationale. « Soyez tranquilles, dit-il aux conjurés, Pétion sera là. »

Pétion, en effet, avait ordonné la veille aux bataillons de la garde nationale de se trouver sous les armes, non pour s’opposer à la marche des colonnes du peuple, mais pour fraterniser avec les pétitionnaires et pour faire cortége à la sédition. Cette mesure équivoque sauvait à la fois la responsabilité de Pétion devant le directoire du département, et sa complicité devant le peuple attroupé. Il disait aux uns : « Je veille ; » il disait aux autres : « Je marche avec vous. »

Au point du jour ces bataillons étaient rassemblés, les armes en faisceaux, sur toutes les grandes places. Santerre haranguait le sien sur les ruines de la Bastille. Autour de lui affluait, d’heure en heure, un peuple immense, agité, impatient, prêt à fondre sur la ville au signal qui lui serait donné. Des uniformes s’y mêlaient aux haillons de l’indi-