Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/27

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reux, poursuivit-il ; on s’est servi de mon nom pour des horreurs qu’on m’a imputées, on m’en a cru coupable parce que j’ai dédaigné de me justifier. On jugera bientôt si ma conduite démentira mes paroles. »

L’air de franchise et de loyauté, le ton significatif avec lequel le duc d’Orléans prononça ces mots, frappèrent le ministre, violemment prévenu contre son innocence. Il demanda au prince s’il consentirait à tenir directement au roi un langage qui consolerait son cœur et dont il craignait d’affaiblir l’énergie en le transmettant. Le duc accueillit avec empressement l’idée de voir le roi, si le roi daignait le recevoir. Il manifesta l’intention de se rendre, le lendemain, au château. Le roi, prévenu par son ministre, attendit le prince et s’enferma longtemps seul avec lui.

Un écrit confidentiel de la main du prince lui-même, et rédigé d’abord pour justifier sa mémoire aux yeux de ses enfants et de ses amis, introduit dans les mystères de cet entretien. « Les démocrates outrés, dit le duc d’Orléans, ont pensé que je voulais faire de la France une République ; les ambitieux ont cru que je voulais, à force de popularité, forcer le roi à remettre l’administration du royaume entre mes mains ; enfin, les patriotes vertueux ont eu sur moi l’illusion même de leur vertu : ils ont pensé que je m’immolais tout entier à la chose publique. Les uns m’ont fait pire, les autres meilleur que je ne suis. J’ai suivi ma nature, voilà tout. Elle me portait, avant tout, vers la liberté. Je crus en voir l’image dans les parlements, qui du moins en avaient le ton et les formes. J’embrassai ce fantôme de représentation. Trois fois je me sacrifiai pour ces parlements. Les deux premières fois, ce fut une conviction de ma part ; la troisième, ce fut pour ne pas me démentir moi-même.