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porter, elle l’en suppose l’auteur, elle lui attribue dans ces révolutions toute l’action et toute la place de l’idée qui les accomplit, et, heureux ou malheureux, innocent ou coupable, elle lui donne à lui seul toute la gloire ou tout le tort du temps. Elle divinise son nom ou elle supplicie sa mémoire. Tel fut, depuis cinquante ans, le sort du duc d’Orléans.


IV

C’est une tradition historique dans les peuples, depuis la plus haute antiquité, que le trône use les races royales, et que pendant que les branches régnantes s’énervent par la possession de l’empire, les branches cadettes se fortifient et grandissent en nourrissant l’ambition de s’élever plus haut, et en respirant plus près du peuple un air moins corrompu que l’air des cours. Ainsi, pendant que la primogéniture donne le pouvoir aux aînés, les peuples donnent aux seconds la popularité.

Ce phénomène d’une famille plus forte et plus populaire que la famille régnante, croissant auprès du trône et affectant avec le trône sur l’esprit de la nation une dangereuse rivalité, se retrouvait depuis la mort de Louis XIV dans la maison d’Orléans. Si cette situation équivoque donnait aux princes de cette famille quelques vertus, elle leur donnait aussi des vices correspondants. Plus intelligents et plus ambitieux que les fils du roi, ils étaient aussi plus remuants. La contrainte même dans laquelle la politique de la maison régnante les tenait condamnait leur pensée ou leur courage