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à l’inaction et les forçait d’user dans les désordres ou dans la mollesse les facultés naturelles et l’immense fortune dont on ne leur laissait pas d’autre emploi. Trop grands pour des citoyens, trop dangereux à la tête des armées ou dans les affaires, ils n’avaient leur place ni dans le peuple, ni dans la cour ; ils la prenaient dans l’opinion.

Le régent, homme supérieur, dégradé par la longue subalternité de son rôle, avait été le plus éclatant exemple de ces vertus et de ces vices du sang d’Orléans. Il avait perdu le commandement de l’armée d’Italie pour le désastre de Turin, dont la faute ne devait pourtant pas retomber sur lui ; et, plus tard, il avait été rappelé d’Espagne pour avoir tenté, à la faveur de ses victoires, d’y supplanter Philippe V. Depuis le régent, quelques-uns de ces princes, doués comme lui de courage et d’esprit naturels, avaient tenté la gloire des grandes actions dans leur première jeunesse. Ils avaient été replongés avant l’âge dans l’obscurité, dans les plaisirs ou dans la dévotion. Au premier éclat qui s’était attaché leur nom, on l’avait voilé. Ces princes devaient se transmettre avec leurs traditions de famille l’impatience d’un changement dans le gouvernement qui leur permît d’être grands.

Louis-Philippe-Joseph, duc d’Orléans, était né à l’époque précise où son rang, sa fortune et son caractère devaient le jeter dans un courant d’idées nouvelles que ses passions de famille l’appelaient à favoriser, et dans lequel une fois entraîné il lui serait impossible de s’arrêter ailleurs que sur le trône ou sur l’échafaud. Il avait vingt ans quand les premiers symptômes de cette révolution éclatèrent.

Ce prince était robuste comme ceux de sa race. Une taille élancée, une attitude ferme, un visage souriant, un