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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/100

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d’esprit et au courageux mensonge des membres de ce comité.


VII

Cependant les prisonniers entassés à l’Abbaye entendaient ce prélude de meurtre à leur porte. Dès le matin, la figure morne et les demi-mots de leurs gardiens leur avaient présagé un soir sinistre. Un ordre de la commune avait fait avancer ce jour-là dans toutes les prisons l’heure du repas. Les détenus se demandaient entre eux quel pouvait être le motif de ce changement dans l’habitude de leur régime intérieur. Était-ce une translation ? Était-ce un départ pour un exil au delà des mers ? Les uns espéraient, les autres tremblaient, tous s’agitaient. Des fenêtres grillées d’une tourelle qui donnait sur la rue Sainte-Marguerite, quelques-uns d’entre eux aperçurent enfin les voitures et entendirent les cris : ils semèrent l’alarme dans la prison. Le bruit y courut qu’on avait immolé en route tous les prêtres. Le bourdonnement d’une foule immense qui avait envahi la cour et qui se pressait sur la place et dans les rues voisines de l’Abbaye leur arriva par les fenêtres et par les soupiraux. Le roulement des voitures, le pas des chevaux, le cliquetis des sabres, la voix confuse se taisant un moment pour éclater, par intervalles, en un long cri de : « Vive la nation ! » les laissèrent un moment incertains si ce tumulte avait pour but de les immoler ou de les défendre. Les gui-