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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/99

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de ces prêtres a l’épaule percée, l’autre la figure balafrée, le troisième une main coupée en voulant couvrir son visage. L’abbé Sicard, le charitable instituteur des sourds-muets, est protégé par les corps de ses compagnons blessés. Les voitures reprennent lentement leur marche. L’assassin passe de l’une à l’autre, et, se tenant d’une main au panneau des portières, il frappe de l’autre main au hasard tous ceux que son arme peut atteindre. Des assassins d’Avignon mêlés à l’escorte rivalisent avec lui et plongent leurs baïonnettes dans l’intérieur. Les pointes des piques dirigées contre les portières menacent ceux des prêtres qui voudraient se précipiter dans la rue. La longue file de ces voitures roulant lentement et laissant une trace de sang, les cris, les gestes désespérés des prêtres, les hurlements de rage des bourreaux, les éclats de rire et les applaudissements de la populace, annoncent de loin aux prisonniers de l’Abbaye l’approche du convoi. L’impatience des sicaires n’avait pas attendu que les victimes fussent arrivées sur le lieu du supplice : ils immolaient en marchant.

Le cortége s’arrête sur la place, à la porte de l’Abbaye. Les soldats de l’escorte tirent par les pieds huit cadavres des voitures. Les prêtres épargnés par les sabres ou seulement blessés se précipitent dans la prison. On en saisit quatre à travers la haie que forme le poste. On les égorge sur le seuil. Quelques-uns, pour qui la porte est trop lente à s’ouvrir, franchissent la fenêtre du comité de la section, qui tenait en ce moment sa séance dans la prison. Ces citoyens, étrangers au massacre, dérobent ces victimes à la fureur des assassins, en les faisant asseoir dans leurs rangs. Le journaliste Pariseau et l’intendant de la maison du roi, Lachapelle, durent la vie à la présence