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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/211

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çais avaient l’air d’accompagner leurs ennemis bien plus que de les chasser de leurs frontières.


VIII

Cette négociation de Dumouriez ne fut ni trahison ni faiblesse. Elle fut l’instinct du patriotisme et le génie de la circonstance. Elle sauva la France d’un geste, au lieu de la compromettre en frappant le coup. Une évacuation certaine valait bien mieux pour la France, dans sa situation extrême, qu’une bataille douteuse. Attaqué dans sa retraite, le duc de Brunswick, plus fort encore de quarante mille combattants que Dumouriez, pouvait se retourner et anéantir l’armée française. La France n’avait pas une seconde armée ni un second Dumouriez. Une défaite la livrait à l’invasion. Le contre-coup aurait renversé la république à peine affermie sur la victoire du 10 août. Danton, plus intéressé que personne aux mesures désespérées, le sentit lui-même et fut complice de la prudence de Dumouriez. Son énergie, qui allait jusqu’au crime, n’allait pas jusqu’à la démence. Il prit la convention et la trêve sous sa responsabilité.

Dumouriez eut un autre motif pour ne pas abuser de la retraite et pour ménager les Prussiens. Diplomate avant d’être soldat, il savait que les coalitions portent avec elles, dans des rivalités sourdes, le principe qui doit les dissoudre. La Russie et l’Autriche allaient disputer à la Prusse