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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/212

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les lambeaux les plus précieux de la Pologne, pendant que l’armée prussienne consumerait ses forces dans la croisade des rois contre la France. Le cabinet prussien et le duc de Brunswick ne se dissimulaient pas ce danger. Une alliance avec la France, même républicaine, pouvait entrer dans les arrière-pensées du cabinet prussien. Il ne fallait pas contrister ces arrière-pensées du roi de Prusse et de sa nation, en poussant la guerre jusqu’au sang et le pas rétrograde du roi jusqu’à l’humiliation. Laisser aux Prussiens les honneurs de la guerre, en les expulsant du sol de la république, était une profonde habileté. On peut toujours se réconcilier avec un ennemi dont on n’a pas écrasé l’orgueil. La liberté avait trop d’ennemis sur le continent pour ne pas se réserver une alliance au cœur de l’Allemagne. Mais le véritable et secret motif de Dumouriez était personnel. Une guerre de chicane, qui pouvait se prolonger tout l’hiver et peut-être toute la campagne suivante contre les Prussiens, dans les Ardennes et sur la Meuse, ne convenait ni à sa situation politique ni à son ambition. Il avait besoin de deux choses : du titre de libérateur du territoire français d’abord, et de la liberté de porter ailleurs son activité et son génie. La retraite non contestée des Prussiens et un traité secret avec cette puissance lui garantissaient ces deux nécessités de sa situation. Tranquille sur ce côté de ses frontières, la Convention lui permettrait de réaliser son rêve militaire et de porter la guerre en Belgique. Vainqueur des Prussiens au dedans, il serait vainqueur des Autrichiens dans leurs propres domaines. Au titre de libérateur du territoire de la république, il ajouterait le titre de conquérant du Brabant. Rayonnant de cette double gloire, que ne pourrait-il pas tenter ou pour le roi,