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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/342

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» On assure qu’un innocent a péri ! un seul ! c’est trop sans doute ! Citoyens, pleurez cette méprise cruelle ! Nous l’avons pleurée déjà longtemps. C’était un bon citoyen, c’était donc l’un de nos amis ! Pleurez même les victimes coupables réservées à la vengeance des lois et qui sont tombées sous les coups de la justice populaire. Mais que votre douleur ait un terme comme toutes les choses humaines ! Gardons quelques larmes pour des calamités plus touchantes ! Pleurez cent mille patriotes immolés par la tyrannie ! Pleurez nos concitoyens expirants sous leurs toits embrasés ! et les fils des citoyens massacrés au berceau ou dans les bras de leurs mères ! N’avez-vous pas aussi des frères, des enfants, des épouses à venger ? La famille des législateurs français, c’est la patrie, c’est le genre humain tout entier, moins les tyrans et leurs complices ! La sensibilité qui gémit presque exclusivement sur les ennemis de la liberté m’est suspecte. Cessez d’agiter sous mes yeux la robe sanglante du tyran, ou je croirai que vous voulez remettre Rome dans les fers. Calomniateurs éternels ! voulez-vous donc venger le despotisme ? Voulez-vous flétrir le berceau de la république ?…

» Ensevelissons, dit en finissant Robespierre, ces méprisables manœuvres dans un éternel oubli. Pour moi, je ne prendrai aucune conclusion qui me soit personnelle. Je renonce à la juste vengeance que j’aurais le droit de poursuivre contre mes calomniateurs. Je ne veux pour vengeance que le retour de la paix et de la liberté. Citoyens ! parcourez d’un pas ferme et rapide votre superbe carrière, et puissé-je, aux dépens de ma vie et de ma réputation même, concourir avec vous à la gloire et au bonheur de notre commune patrie ! »