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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/344

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qu’on oppose à ses supplications et à celles de Louvet, quitte son siége dans l’enceinte et descend à la barre, afin d’avoir comme citoyen la parole qu’on lui refuse comme député. « Vous m’entendrez, s’écrie-t-il en frappant de ses deux poings sur la barre, comme pour faire violence à la Convention, vous m’entendrez ! Si vous ne m’entendez pas, je serai donc réputé calomniateur ? Eh bien ! je graverai ma dénonciation sur le marbre ! »

Les murmures, les sarcasmes, les rires des tribunes couvrent la voix de Barbaroux. On l’accuse d’avilir le caractère de représentant du peuple, en s’en dépouillant pour accuser individuellement un ennemi. Barère, un de ces hommes qui observent longtemps la fortune afin de ne pas se prononcer au hasard, et qui ne se prononcent jamais assez pour être entraînés dans la chute du parti même qu’ils ont adopté, se leva du milieu de la Plaine pour demander la parole. Jeune, élégant de formes, d’une stature élevée, d’un geste libre, d’une parole fluide, on voyait dans sa physionomie ce mélange de réserve et d’audace qui caractérise les Séjan : tout l’extérieur de l’inspiration couvrant tout le calcul de l’égoïsme. Ces hommes sont les limiers des grands ambitieux ; mais avant de se donner à eux, ils veulent faire sentir leur importance, afin qu’on les estime un plus haut prix. Tel était Barère : caractère de haute comédie jeté, par une méprise de la destinée, dans la tragédie.