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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/400

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Les pas de la famille royale étaient comptés et bornés dans le jardin à une moitié de la longueur d’une allée de marronniers. Les démolitions, les constructions, les ouvriers, obstruaient l’autre moitié. Ce court et étroit espace, parcouru lentement par le roi, sa femme et sa sœur, servait aux courses et aux jeux de la jeune princesse royale et de son frère. Le roi feignait de participer à ces jeux pour les encourager. Il jouait au palet et au ballon avec le Dauphin. Il posait le but, le prix aux courses. Pendant ces jeux, la reine et sa sœur s’entretenaient à voix basse ou s’efforçaient de distraire les enfants des chants scandaleux qui les poursuivaient jusque sous l’ombre de ces arbres.

Un jour, pendant ces promenades, la reine, causant avec Cléry de l’inutilité des efforts que la cour avait tentés pour amollir ou corrompre les républicains, et surtout Pétion, Danton et Lacroix, lui confia, pour qu’il en rendît témoignage un jour, un acte de dévouement dont son cœur paraissait profondément ému.

À l’époque d’une de ces crises désespérées, où Louis XVI, épuisé de ressources, cherchait son dernier espoir de salut dans l’attachement désintéressé et dans la bourse de quelques amis, le commandeur d’Estourmel, descendant d’un de ces croisés qui avaient monté les premiers à l’assaut de Jérusalem, était procureur général de l’ordre de Malte à Paris. Il apprit le dénûment du roi, réalisa en quelques heures une somme de cinq cent mille francs, et la fit porter à Louis XVI. Le roi accepta cette somme, l’employa à solder quelques jours de plus les intermédiaires qui lui répondaient du peuple, et fut trompé par eux. Cette dette de reconnaissance pesait sur le cœur du roi et de la reine dans