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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/401

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la prison du Temple ; ils se reprochaient souvent d’avoir accepté tant de sacrifices inutiles, et d’entraîner dans leur catastrophe la fortune des amis de leur maison. Quelquefois aussi, et surtout dans les premiers temps, les princesses avaient dans ces promenades de douces intelligences avec le dehors. La vigilance des bourreaux ne pouvait intercepter les regards. Du haut des étages supérieurs des maisons qui bordaient l’enclos du Temple, les yeux plongeaient sur le jardin. Ces maisons, habitées par de pauvres familles, n’offraient aucun prétexte de suspicion ni de violence à la commune. Ce peuple de petits trafics, d’ouvriers, de femmes revendeuses, ne pouvait être accusé de complicité avec la tyrannie ni de trames contre l’égalité. On n’avait pas osé faire interdire l’ouverture de ces fenêtres. Aussitôt que l’heure de la promenade du roi fut connue dans Paris, la curiosité, la pitié et la fidélité les remplirent de nombreux spectateurs, dont on ne pouvait de si loin reconnaître les visages, mais dont l’attitude et les gestes révélaient la tendre curiosité et la compassion. La famille royale élevait des regards furtifs vers ces amis inconnus. La reine, pour correspondre silencieusement aux désirs de ces visiteurs, écartait avec intention le voile de son visage, s’arrêtait pour entretenir le roi sous le regard des plus empressés, ou dirigeait les pas et les jeux du jeune Dauphin, comme par hasard, du côté où la charmante figure de l’enfant pouvait être le mieux aperçue. Alors quelques fronts s’inclinaient, quelques mains faisaient, en se rapprochant l’une de l’autre, le geste muet de l’applaudissement. Quelques fleurs tombaient, comme par hasard, des petits jardins suspendus aux toits du pauvre ; quelques écriteaux en caractères majuscules se déroulaient à une ou