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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/46

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nes. Son projet était de former une espèce de congrès des départements unis. Le noyau de cette fédération se rencontrait pour lui dans les trois départements des Ardennes, de l’Aisne et de la Meuse, sur les dispositions desquels il pensait pouvoir compter. Il croyait peu au succès, mais il croyait à son devoir, et il l’accomplissait en citoyen plus qu’en chef de parti. L’Assemblée, informée de ces hésitations de l’armée, envoya des commissaires pour l’arracher aux généraux suspects.

La Fayette, malgré la générosité de son caractère et malgré le dévouement de sa vie, se confia trop pour un chef de parti à la puissance seule de la loi. Au lieu d’enlever ses troupes par l’élan du mouvement, il les laissa réfléchir immobiles. Leur enthousiasme pour lui et leur attachement à la constitution s’assoupirent dans cette hésitation. Destitué par l’Assemblée le 19, il sentit que sa fortune l’abandonnait, que sa popularité était vaincue, et que la Révolution, qui lui échappait, allait se retourner contre lui. Il résolut de s’expatrier, et se condamna lui-même à l’ostracisme dont son pays allait le frapper. Alexandre de Lameth, les deux frères Latour-Maubourg, Bureau de Puzy, patriote, militaire et politique éminent, ses aides de camp et quelques officiers l’accompagnèrent dans sa fuite. La Fayette se proposait de passer en Hollande et de là en Amérique. Après une nuit de marche, il tomba dans un détachement ennemi. Reconnu et conduit à Namur, son nom fut son crime aux yeux des généraux de l’empereur. Le chef de l’insurrection française, le protecteur de Louis XVI, le général du peuple de Paris était une proie trop inattendue et trop éclatante pour que les rois coalisés le laissassent généreusement se retirer du champ de bataille.