Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/62

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marquis de Bouillé, conseiller militaire du roi de Prusse, proposa d’adoucir cette mesure blessante pour les émigrés. Il fut convenu qu’on les diviserait en trois corps : l’un, de dix mille gentilshommes, qui serait attaché à la grande armée du duc de Brunswick ; les deux autres, de cinq mille gentilshommes chacun, qui seraient employés, l’un sous le prince de Condé en Flandre, l’autre sous le duc de Bourbon sur le Rhin. Ces trois corps d’émigrés, ainsi distribués, ne devaient cependant marcher qu’en seconde ligne, pour éviter de souiller leur épée du sang français, et pour rallier seulement à eux, derrière l’armée d’opération, les déserteurs et les régiments entiers que la défection des corps français leur promettait.

Les négociations contradictoires du baron de Breteuil, de M. de Calonne et de M. de Moustier compliquaient aussi la marche des affaires et suspendaient l’action des puissances. Le baron de Breteuil, chargé des pouvoirs de Louis XVI, s’opposait en son nom à ce que les cabinets étrangers reconnussent en France une autre autorité légitime que celle du roi. M. de Calonne, agent des princes et leur plénipotentiaire à Coblentz, revendiquait la régence pour le comte de Provence, pendant l’impuissance constatée ou la captivité déguisée de Louis XVI. M. de Moustier, envoyé par le comte de Provence pour remplacer M. de Calonne devenu odieux aux émigrés, insistait avec énergie pour obtenir cette reconnaissance des droits du comte de Provence à l’administration du royaume reconquis. La Russie favorisait cette ambition du prince pressé d’exploiter un règne idéal. L’empereur, par l’insinuation secrète de Marie-Antoinette, sa sœur, qui craignait la domination de ses beaux-frères, se refusait à déclarer ainsi le détrônement de fait du