Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/104

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Là, couché de longs jours près des sombres fontaines,
Dont le fuyant murmure emporte aussi les peines,
Ou debout sur des pics où mugissaient les airs,
Il regardait les cieux, les plaines et les mers,
Et les mille rayons partant de toute chose,
Où tombe la pensée, où le regard se pose :
La nature d’abord, vaste éblouissement,
Lui-même pour lui-même immense étonnement,
Du firmament profond les merveilleux spectacles,
La végétation et ses nombreux miracles,
Et les brutes et l’homme, et leurs divers rapports,
Venant dans son esprit converger du dehors,
Développaient en lui l’inerte intelligence
Comme un homme qui dort, qui s’éveille et qui pense :
Et tout cela semblait n’être qu’un souvenir
Que du fond de son âme il sentait revenir.
Mais lorsqu’il s’efforçait de renouer la trame
Du présent au passé, de ses sens à son âme,
Le rayon s’éclipsait et ne l’éclairait plus,
Sa mémoire fondait en nuages confus ;
Il sentait sur sa tête une voûte abaissée
Qui comprimait son crâne et brisait sa pensée,
Et, le front tristement penché sur ses genoux,
Entre une nuit et l’autre il restait comme nous.

Il n’était arraché de cette rêverie
Que par le bruit des pas ou par la voix chérie
De Daïdha, venant traire au milieu du jour
Les chamelles d’Alphim qui broutaient alentour,