Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/116

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Et que, sous le gazon, on faisait en dormant
Tout ce qu’on avait fait sous le bleu firmament ;
Que le petit enfant y caressait sa mère,
Que l’épouse y dormait sur l’épaule du frère,
Que les troupeaux nombreux y paissaient l’herbe en paix,
Mais que les fiers géants n’y descendaient jamais ;
Et qu’aux rayons amis d’une nuit souterraine,
Les dieux bons y régnaient vainqueurs des dieux de haine,
N’en permettant l’accès qu’à la voix des amis,
Parlant près de l’oreille aux mânes endormis.

Cédar, à ces clartés de la parole écloses,
Dans son intelligence acceptait toutes choses.
Avec ce que l’enfant simple balbutiait,
Confiant et crédule, il s’identifiait ;
Comme notre chair vient du lait de notre mère,
Enveloppé partout de l’humaine atmosphère,
Homme par la figure, à ces naïfs accents
Il devenait tout homme et de cœur et de sens,
De leurs impressions il prenait l’habitude,
Et n’en différait plus que par sa servitude.
Distrait de ses récits, un jour il demanda
Une chose qui fit frissonner Daïdha
« Des hommes, lui dit-il, la coutume jalouse
Aux esclaves jamais donne-t-elle une épouse ?
Si la vierge, sur eux abaissant ses regards,
Consent à les aimer, que disent les vieillards ? »
À ces mots, Daïdha, baissant les yeux à terre,
Pâlit et fit d’horreur un geste involontaire :