Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/118

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Et, craintive et muette, elle le regardait
Jusqu’aux pleurs, et le bord de ses yeux s’inondait,
Et, comme de deux fleurs que l’orage secoue,
Deux gouttes d’eau du cœur, en coulant sur sa joue,
Tombaient sur les genoux de Cédar, et brûlaient
La place où les cheveux sur sa main ruisselaient ;
Et de son sein, gonflé sous le poids de sa peine,
Les soupirs soulevaient le voile à chaque haleine,
Comme des lis des eaux qu’au vent ridé du soir
La vague tour à tour submerge et laisse voir.
D’un ton bas et grondeur : « Pourquoi, lui disait-elle,
Viens-tu si lentement maintenant quand j’appelle ?
Tu m’entendais bien mieux quand nous ne parlions pas ;
Au seul bruit de mes pieds tu venais à grands pas.
Ta tristesse, ô Cédar, je voudrais la connaître !
Peut-être languis-tu de ton exil ? peut-être
Que depuis que ton cœur s’est ouvert à ma voix,
De ta captivité tu ressens plus le poids ?
Peut-être ce lien te blesse ou t’humilie ?
Oh ! si c’est cela, viens ! viens, que je te délie !
Donne tes pieds, ton cou, tes épaules, tes bras :
Te voilà libre, ô frère ! oh ! cours où tu voudras :
Marche dans les forêts où ta mère t’appelle !
Daïdha t’aimera si tu restes pour elle ;
Mais si tu ne viens pas reprendre tes liens,
Frère, elle donnera ses membres pour les tiens.
Reprends la liberté qu’on t’a pour moi ravie ;
Si ma mort t’affranchit, que m’importe ma vie ? »
Et tout en lui parlant, elle avait déplié
Les liens aux sept nœuds dont il était lié,