Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

 
Et les glissant ensuite entre les fils d’ébène,
Si fins qu’ils frémissaient au contact d’une haleine,
Passait et repassait son aiguille à travers.
Cette trame de fleurs et ces dessins divers
Accomplissaient ainsi, des pieds à la ceinture,
Le voile aérien donné par la nature.
À mesure qu’en nœuds la vierge le tressait,
Ce tablier flottant d’éclat se nuançait :
Son aiguille avec art, parmi les roses blanches,
Associait l’azur des yeux bleus des pervenches,
Et les œufs du lotus et les boutons vermeils,
Et tous les lis des eaux, étoiles ou soleils,
Et sur la nacre en feu des petits coquillages
Faisait de l’oiseau-mouche éclater les plumages.
Ce voile contentait cet instinct de beauté
Que la vierge reçoit de sa virginité ;
De plantes, de parfums et d’éclat revêtue,
Quand du jeune homme ainsi sa sœur frappait la vue,
Il eût cru voir marcher un symbole de fleurs,
Et ce corps idéal, ces odeurs, ces couleurs,
D’un triple enivrement berçant les sens et l’âme,
Fascinaient la pensée et précédaient la femme.
Quand la dernière brise avait fané les lis
Dont ces tissus flottants odoraient embellis,
Quand la dernière rose expirait sur sa tige,
On en renouvelait l’industrieux prestige :
C’était un jour de fête, où, fuyant à l’écart,
Les femmes pour charmer luttaient d’amour et d’art.
Mais, pour broder ainsi la trame fugitive,
Il fallait la tenir d’une main attentive ;