Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/165

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J’ai honte du soleil et je hais la lumière !
Mais pour que, si ma mort ne vient pas la première,
Je puisse voir encore et du sein allaiter
Ces deux bouches d’enfant qui cherchent à teter,
Afin que de leur mort mon lait retarde l’heure,
Et qu’ils vivent du moins jusqu’à ce que je meure !
Oh ! ne les sevrez pas du moins avant ma mort !
Oh ! pendant que leur coupe est pleine jusqu’au bord,
Laissez-moi jusqu’au fond la leur répandre toute !
Qu’ils ne tombent de soif qu’à la dernière goutte !… »
Elle se tut, ses mains palpitaient : à ce cri,
Des mères de Phayr le cœur fut attendri ;
Le fruit qu’elles portaient s’émut dans leurs entrailles ;
Elles firent laisser une fente aux murailles,
Promirent d’apporter les enfants ; et la tour
Monta de pierre en pierre et rétrécit le jour.
La foule, en s’éloignant de la prison mortelle,
En malédictions se répandit sur elle,
Et Daïdha bientôt n’entendit d’autre bruit
Que le courant du fleuve et le vent de la nuit.

Semblable, en son instinct, à la biche sauvage,
Qui, les jours et les nuits, fait le tour de sa cage,
Flairant si les barreaux qui captivent ses pas
Sous le poil de ses flancs ne s’élargiront pas,
Elle tourna longtemps autour de l’édifice,
Cherchant avec les mains aux murs un interstice,
Se meurtrissant le sein aux angles du rocher,
Et de ses doigts saignants cherchant à s’accrocher ;