Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/166

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Mais les murs à ses mains ne donnaient point de prise,
Ils ne laissaient filtrer dedans ni jour ni brise ;
Et, comme ensevelie au bas d’un puits profond,
Chaque effort pour monter la replongeait au fond.
Lasse de tant d’efforts, sa force enfin succombe.
La paix du désespoir descendit dans sa tombe ;
Elle s’assit à terre, appuyée à sa tour :
« Mourir, dit-elle, ainsi ! pour une heure d’amour !
Oh ! oui, mourir cent fois ! Cédar ! œil de mon âme !
Mourir cent fois ainsi, puisque je meurs ta femme !
Que mille tours de faim montent, croulent sur moi,
Avant que Daïdha rougisse d’être à toi !
Avant que ma douleur se repente, ô ma vie !
De ce crime d’amour que leur haine m’envie !
Qu’ils exècrent ton nom, je l’adore au cercueil !
Mon supplice est ma foi, ma honte est mon orgueil !
Aujourd’hui sous mes pieds que ma tombe se creuse !
Cédar, mourir pour toi, c’est plus que vivre heureuse !
Ô mort, que tardes-tu ? Viens, viens nous réunir !
Comme des pas d’amant, je t’écoute venir. »
Et puis, tout attentive, elle écoutait en elle
Si la soif de sa lèvre était bientôt mortelle ;
Ou bien si de la faim la dernière langueur
Ne se trahissait pas aux battements du cœur.
Mais, dans ces premiers temps d’une forte nature,
Notre vigueur longtemps vivait sans nourriture ;
Et la jeune victime, interrogeant en vain,
Ne ressentait encor ni la soif ni la faim ;
Mais, les sens soutenus de tendresse et d’alarmes,
Pour prolonger sa vie, elle buvait ses larmes.