Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/199

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Entrés dans la caverne, ils regardent au fond :
Un grand cri leur échappe, un autre leur répond ;
Daïdha, fléchissant sous sa joie imprévue,
Revoit ses deux enfants, et recule à leur vue !
Devant ces fils cherchés à travers le trépas,
Quelle puissante main arrêtait donc leurs pas ?
Qui donc clouait leur âme et leurs pieds à l’entrée ?
Pourquoi leur voix en eux était-elle rentrée ?
Qui les faisait ainsi balancer ?… Un regard.
Au fond de la caverne, un homme… un beau vieillard
Tenait dans ses genoux, comme une tendre mère,
Les deux jumeaux portés par l’aigle dans son aire ;
À leurs lèvres de rose il faisait ruisseler
L’ambre des pommes d’or qu’il venait de peler ;
Les deux enfants suçaient la goutte qui s’épanche,
En écartant des mains sa chevelure blanche ;
Et déjà la saveur, la voix douce et les ris,
De l’effroi sur leur bouche avait calmé les cris.
Ce vieillard n’avait pas l’aspect rude et sauvage
Des hommes dont Cédar avait vu le visage,
Ce front bas comprimé par un brutal instinct,
Cet œil dardant la flamme ou par la ruse éteint.
L’arche de son beau front, en ovale élancée,
Semblait se soulever pour porter la pensée.
L’âge avait élargi l’orbite de ses yeux,
La lumière en coulait comme une aube des cieux ;
De son regard pensif l’égale et pure flamme
Dans un charbon brûlant ne dardait pas son âme ;
Mais la réflexion le tempérait un peu,
Comme une main qu’on met entre l’œil et le feu.