Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/202

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Que du seul Dieu vivant le terrible courroux
M’écrase sous sa main si j’abusais de vous,
Si, profitant du doute où mon aspect vous plonge,
Je laissais vos esprits adorer un mensonge !…
Jamais encor mes yeux n’ont vu, charmants époux,
Des cœurs aussi naïfs sous des traits aussi doux !
Jéhovah cache donc ailleurs dans la nature
De la source d’Éden quelque goutte encor pure ?
Parlez, d’où venez-vous ? où vous menaient vos pas ?
Êtes-vous des mortels, ou des anges d’en bas ?
Une apparition d’innocence bannie ?
Un sourire du monde avant son agonie ?
Dites, ne craignez rien, l’homme du ciel est bon :
Dieu soit dans votre bouche et dans mes yeux son nom ! »


Rassurés par la voix si pleine de tendresse
Que chacun de ses sons semblait une caresse,
Les deux adolescents, s’approchant du vieillard,
Sur lui de temps en temps hasardant un regard,
S’encourageant l’un l’autre à son divin sourire,
Répondant tour à tour, finirent par tout dire.
À leur touchant récit sympathisant des yeux,
La pitié remuait son cœur silencieux ;
Et des larmes parfois, coulant de sa paupière,
Ruisselaient sur sa joue et roulaient sur la pierre.
Daïdha, les voyant briller sur le gazon,
Se disait en son cœur : « Puisqu’il pleure, il est bon :
Il ne remettra pas à Cédar ses entraves,
Ou nous prendra du moins tous deux pour ses esclaves. »