Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/213

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À l’haleine des mers qu’éventait leur toit souple,
Il fit à ses côtés asseoir le jeune couple,
Sourit à Daïdha, pria le jeune époux
D’apporter les enfants, les mit sur ses genoux,
Les baisa sur le front, les remit à leur mère ;
Comme si leur aspect, d’une mémoire amère,
Avait de son esprit remué les douleurs,
De sa paupière blanche essuya quelques pleurs ;
Puis, effaçant bientôt sur son mâle visage
D’un sourire attendri ce passager nuage,
Au beau couple, à ses pieds assis tout interdit,
D’une voix pénétrante et paternelle il dit :


« Que l’accent du Seigneur vibre dans mes paroles !
Pauvres adorateurs de muettes idoles,
Je parlerais en vain, s’il ne vous parlait pas !
Mais c’est lui dont le doigt a dirigé vos pas ;
C’est lui qui dans votre âme ordonne que je sème
Ce nom qui dans nos cœurs s’était semé lui-même !
Ce nom qu’a dispersé parmi les nations
Le vent profanateur des superstitions ;
Pour qu’une race au moins sur cette terre infâme
Garde le sceau divin imprimé sur notre âme,
Ô chers vases vivants d’innocence et d’amour,
Versez ce que je verse en vous, à votre tour !
Que je sois le charbon mourant, qui se consume,
Qu’on jette presque éteint au bûcher qu’il rallume !
Beaux enfants de la nuit, que vos yeux soient ouverts !
Pour apprendre Dieu même, apprenez l’univers !