Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/23

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Grandes veines d’argent qui de leur haute artère
S’épanchaient à flots bleus pour féconder la terre,
Et que par mille nœuds rassemblait comme un nid
L’innombrable réseau des sources du granit.


» Oh ! quelles fleurs croissaient sur ce berceau des fleuves !
Quels cèdres étendaient leurs bras sur ces eaux neuves !
Quels oiseaux se trempaient l’aile dans ces bassins !
Quel firmament la nuit constellait dans leurs seins !
Quels murmures secrets et quelle âme profonde
Sortaient avec ces flots, chantaient avec cette onde !
Quand le soir, retirant ses rayons repliés,
Dorait de feux rasants les troncs incendiés,
Et semblait allumer sur ces fumantes cimes
Un bûcher colossal pour d’immenses victimes ;
Quand ces feux des sommets réfléchis par la mer
Dans ces vagues du soir paraissaient écumer ;
Que les brutes, sortant de leurs antres sauvages,
Venaient rôder, bondir, hurler sur ces rivages :
Que les milliers de cris des nuages d’oiseaux,
Que l’innombrable bruit de tant de chutes d’eaux,
Comme un orgue à cent voix qu’une seule âme anime,
Donnaient chacun un son au cantique unanime ;
Et qu’un souffle des airs venant à s’exhaler,
La surface des monts semblait toute onduler,
Comme un duvet ému de cygne que l’on touche
Frémit de volupté sous le vent de la bouche ;
Que les cèdres plaintifs tordaient leurs bras mouvants,
Qu’un nuage de fleurs soulevé par les vents