Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/26

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Et, pour fuir l’esclavage et l’ombre du turban,
De trous comme une ruche a percé le Liban.
Là, suspendant son aire aux pans des précipices,
Il féconde du roc les moindres interstices :
Abeilles du Seigneur, dont la cire et le miel
Sont d’obscures vertus qui n’ont de prix qu’au ciel !
— Quel est ce peuple saint ? — Ce sont les Maronites,
Tribu d’adorateurs, peuple de cénobites,
Qui, semblable aux Hébreux dans leur captivité,
A caché sur ces monts l’arche de vérité.
Dans les simples vertus que l’Occident oublie,
Là, depuis deux mille ans, leur race multiplie.
Ils n’ont pas recherché cette perfection
Qui s’affranchit des lois de la création :
Par les chastes liens des enfants et des femmes,
À l’amour du prochain ils exercent leurs âmes ;
De leurs fruits, comme l’arbre, ils se font un honneur ;
Un fils est à leurs yeux un tribut au Seigneur,
Un serviteur de plus pour servir le grand Maître,
Un œil, une raison de plus pour le connaître,
Une langue de plus dans le chœur infini
Par qui, de siècle en siècle, il doit être béni !
Ils ne dérobent pas, mendiants volontaires,
Leur pain aux indigents comme vos solitaires :
Du travail de leurs doigts pour tisser leurs habits,
Ils font filer le ver et paître les brebis ;
Ils sèment le froment aux bords des précipices,
Ils attellent au joug leurs robustes génisses ;
Et souvent vous voyez ces pieux laboureurs,
À moitié d’un sillon arrosé de sueurs,