Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/27

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Aux accents de l’airain sortant du monastère
Arracher tout à coup le soc fumant de terre,
Et, mêlant sous le ciel la prière au travail,
Chanter l’hymne en laissant respirer leur bétail.
Sans jamais l’outrager, épurant la nature,
Leur vieux christianisme est une goutte pure
De la source de foi, du breuvage sans fiel
Que la main de Jésus fit descendre du ciel
À l’heure où son cœur dit : « Homme, je suis ton frère ;
» Mon royaume est le tien, et mon Père est ton père ! »


» Dans ce peuple d’élus quelques-uns cependant,
Soulevés d’ici-bas d’un soupir plus ardent,
Gravissant du Liban les sommets les plus rudes,
Sur la fin de leurs jours hantent les solitudes,
Où, livrés à l’esprit des contemplations,
Ils consument leur âme en aspirations ;
Nouveaux Pauls du désert qu’une caverne abrite,
Que le lion nourrit et que l’aigle visite.
Il en est un surtout dont les anges, dit-on,
Ne prononcent entre eux qu’avec respect le nom,
Dont les hommes d’en bas, les plus vieux de leur race,
Ne connaissent plus l’âge, ont oublié la trace,
Et qu’ils n’ont jamais vu, dans leurs plus jeunes ans,
Qu’avec son front pensif, aux rares cheveux blancs,
Sa tempe, ses yeux creux et sa prunelle éteinte,
Où depuis soixante ans nulle clarté n’est peinte,
Mais qui semble, brûlée à des éclairs ardents,
Quoique aveugle en dehors, regarder en dedans.