Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/265

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Un navire céleste à l’étrange figure,
Couvrant un pan des airs de sa vaste envergure,
Sur les marbres de l’antre à leurs pieds s’abattit.
Du choc du char ailé tout le mont retentit,
Et trois hommes sortant de ses flancs, qui murmurent,
Des glaives à la main sur le vieillard coururent :
« Rebelle, criaient-ils, confesse enfin les dieux.
Le roc même n’a pu te cacher à leurs yeux ;
En vain entre eux et toi tu mis cette distance :
Tant que tu respirais pour nier leur puissance,
Et que ta main gardait au monde inquiété
Les semences du doute et de l’impiété,
Tant que tu lui jetais, du sommet des nuages,
De ton livre infernal les exécrables pages,
Leur ivresse était triste et leur sommeil troublé ;
Cette heure raffermit leur saint temple ébranlé :
Le livre ! donne-nous ou ta vie ou le livre !
Monstre, invoque les dieux, ou tu cesses de vivre ! »

Par la gorge à l’instant saisissant le vieillard,
Un d’eux sur sa poitrine élève le poignard,
Tandis qu’à la lueur du rayon pâle et terne
Les autres, parcourant l’ombre de la caverne,
Aperçoivent le livre à leurs pieds entr’ouvert,
Et le groupe tremblant dans le fond découvert.

Cédar, qui les prenait pour un pouvoir céleste,
D’un homme foudroyé avait gardé le geste,