Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/266

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Et, le front sur le roc à leurs pieds prosterné,
Attendait sans parler qu’ils l’eussent enchaîné.
Daïdha, s’enfonçant sous l’ombre qui l’abrite,
Et se collant au roc comme une stalactite,
Pressait si fortement ses jumeaux sur son sein,
Comme pour les couvrir du poignard assassin,
Qu’ils sentirent, dormant, l’étreinte maternelle,
Et que leur faible cri porta le jour sur elle.
Le premier qui la vit et qui la regarda
Resta comme ébloui des traits de Daïdha ;
La torche entre ses mains trembla comme son âme
Devant cette beauté qui surpassait la femme,
Et qui, dans le limon d’un monde impie et vieux,
N’avait jamais brillé si céleste à ses yeux !
Il appela de l’œil les autres sur sa trace :
Ils tremblaient d’approcher, éblouis de sa grâce.

Voyant sous ses cheveux ses membres qui tremblaient,
Eux-mêmes rassurés s’avançaient, se parlaient :
« Ces êtres, disaient-ils, d’une race plus pure,
Sont-ils de notre fange et de notre nature ?
Est-ce une fille, un fils des hommes d’autrefois,
Dont quelques-uns, dit-on, errent au fond des bois,
Et que d’Adonaï les magiques entraves.
Auraient pris dans le piége et retiendraient esclaves ?
Est-ce de sa magie une apparition ?
De son art infernal une création ?
Pour charmer son exil, ombres qu’il a fait naître,
Et qui vont sous nos mains se fondre et disparaître ?