Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/274

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Les étoiles mouraient là-haut, comme des yeux
Qui se ferment, lassés de veiller dans les cieux ;
Le soleil, encor loin d’effleurer notre terre,
Comme un rocher de feu lancé par un cratère,
Au lieu de s’élever au nocturne plafond,
Montait, pâle et petit, de l’abîme sans fond,
Et ses rayons lointains, que rien ne répercute,
Du jour et de la nuit amollissaient la lutte.

Bientôt sous le navire, atteint de sa clarté,
Ils virent à leurs pieds, perçant l’obscurité,
Un globe pâlissant surgir des ombres vagues,
Comme une île au matin qu’on voit monter des vagues.
C’était la terre, avec les tâches de ses flancs,
Ses veines de flots bleus, ses monts aux cheveux blancs,
Et sa mer qui, du jour se teignant la première,
Éclatait sur la nuit comme un lac de lumière.
« Terre ! » dit une voix. Et par un art secret,
S’abattant comme un aigle où sa proie apparaît,
Le navire, égaré sur ces flots sans rivage,
Sur les monts et les mers redressa son sillage,
Et, dirigeant sa proue aux pointes du Sina,
Sur la mer Asphaltite en glissant s’inclina.
Il entendit d’en haut battre contre ses rives
Les coups intermittents de ses vagues massives,
Sentit monter le vent dans sa voile fraîchi,
Dans le miroir des flots vit son vol réfléchi,
Et, suivant le Jourdain au rebours de sa course,
Par Gad et par Saphad s’éleva vers sa source.