Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/291

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Comment, de cette grotte hôtes mystérieux,
Ces deux beaux étrangers avaient ravi leurs yeux,
Et comment, transportés dans la barque céleste,
Ils attendaient, soumis, leur destin d’un seul geste.

Au récit de la mort du traître Adonaï,
Voyant du souverain le front épanoui
S’éclairer comme un mont qui surgit d’un nuage,
Les bourreaux, d’un tel crime imaginant le gage,
Savouraient dans leurs cœurs leur sublime forfait,
Et d’avance au service égalaient le bienfait.
« Ministres courageux des divines colères,
Dit Nemphed, recevez vos trop justes salaires.
En leur jetant ces mots, de son pied soulevé,
De cinq coups convulsifs il frappe le pavé.
Au terrible signal qu’un sourd écho répète,
Sortent en se courbant, d’une trappe secrète,
Cinq colosses humains, exécuteurs cachés,
Monstres dressés au sang, par le sang alléchés,
Dont la langue arrachée assure le silence.
Un fer nud à la main, chacun des cinq s’élance
Sur un des cinq géants de l’esquif descendus
Le fer plonge cinq fois dans leurs cœurs confondus ;
Le blasphème à la bouche, ils roulent sur les dalles
Aux pieds du roi des dieux, qui sourit de leurs râles ;
Leur âme sous ses yeux s’échappe en lacs de sang ;
Il joue avec l’orteil dans ce flot rougissant,
Comme au bard du ruisseau, sur la grève qui fume,
Un pied d’enfant distrait badine avec l’écume..