Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/300

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L’aspic au dard de feu, sur soi-même endormi,
Que sur les bords du Nil un perfide ennemi
Glisse dans la corbeille et cache sous la rose,
Pour distiller la mort à la main qui s’y pose !

Dès ses jours innocents pervertie à dessein,
Lui-même avait versé le poison dans son sein
Comme on élève une âme à la chaste innocence,
À la perversité façonnant son enfance,
Il avait renversé par cet art infernal
Dans ce cœur tout à lui le vrai, le bien, le mal,
Donné d’une vertu le nom à chaque vice,
À la sincérité préféré l’artifice,
L’audace à la pudeur, la haine à l’amitié,
La cruauté railleuse à la tendre pitié ;
Et selon que l’enfant, de poison allaitée,
De malice et de crime était plus infectée,
L’instruisant par degrés de forfait en forfait,
Il la récompensait du mal qu’elle avait fait ;
Et pour horrible prix de cette horrible escrime,
Il lui donnait la joie avec l’orgueil du crime !…
Mais le dernier degré de cette instruction
Était l’œuvre accompli : dissimulation.

Aussi l’âme enfantine à cet air exposée,
Humant l’odeur du sang au lieu de la rosée,
Par émulation torturant ses penchants,
Couvrait d’un front naïf l’astuce des méchants :