Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/314

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Mais pour mêler aussi, dans ces scènes infâmes,
Aux supplices des corps la torture des âmes,
Des plaisirs du palais l’ordonnateur brutal
Les avait combinés en un drame infernal.


Il avait découvert, dans le peuple servile
Que ces tyrans sacrés opprimaient dans la ville,
Deux amants qui dans l’ombre abritaient leurs beaux jours.
Un enfant de six mois, doux fruit de leurs amours,
Délices de tous deux, extase de la mère,
Complétait, en l’ornant, ce bonheur éphémère.
De l’asile où leurs sorts se croyaient si cachés,
Des bourreaux, le matin, les avaient arrachés :
Conduits séparément dans l’enceinte céleste,
Ils tremblaient l’un pour l’autre ; ils ignoraient le reste ;
La terreur et le doute écrasaient leur raison.
La scène était la cour d’une sombre prison,
Où les géants, du sein de leurs doux lits de roses,
Pouvaient sans être vus contempler toutes choses.
Là, du drame réel les funèbres acteurs
Agissaient sans soupçon de l’œil des spectateurs.


Ichmé, c’était le nom de la jeune captive,
Sur un banc, dans un angle, était toute pensive ;
Ses yeux, rouges de pleurs, tour à tour regardaient
Son enfant endormi, les murs qui la gardaient,
Et le pan bleu du ciel où la touchante femme
Avec chaque soupir semblait lancer son âme.