Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/318

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Comme une main terrible au branle de la fronde
Fait siffler l’air froissé sous le caillou qui gronde,
L’élan du mur au mur les porte en bondissant ;
Isnel à chaque coup les tache de son sang ;
De peur que son enfant ne se brise aux murailles,
Son corps est un rempart, ses doigts sont des tenailles :
Tous ses membres crispés se ramassent en bloc ;
Il présente son front pour lui parer le choc,
Prolonge sans espoir l’épouvantable lutte,
Et se laisse broyer pour retarder sa chute.

La mère cependant, levant vers eux les bras,
Les pieds cloués au sol, les regarde d’en bas :
Chaque fois que la corde éprouve une secousse.
Les murs tremblent d’horreur sous le cri qu’elle pousse ;
Elle suit, en courant, et du geste et des yeux,
La courbe que décrit son amour dans les cieux,
Croyant, à chaque bond, que des doigts de son père
L’enfant va s’échapper et s’écraser à terre.
Mais, comme un fil tendu par la balle de plomb,
Le câble lentement a repris son aplomb,
Et le groupe, affermi sur le frêle pendule,
Entre la double mort le long des murs ondule.
On n’entend que le vent au sommet de la tour.
Cependant des bourreaux sont entrés dans la cour,
Et pendant que l’époux, par un effort sublime,
Son enfant dans les bras, le dispute à l’abîme,
Martyrisant Ichmé de rires odieux,
Ces monstres effrénés l’insultent sous ses yeux.