Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/320

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Aux soupiraux des cours elle colle l’oreille,
Où le fer enlacé se noue en forte treille :
Repaires souterrains, loges où les lions
Font vibrer en dormant leurs respirations.
L’œil ne peut pénétrer dans leur nuit sépulcrale,
Mais on sent leur haleine, et l’on entend leur râle.
Son cœur de mère, ô ciel ! croit avoir entendu
Dans ces cachots de mort un pas sourd descendu :
Ce n’est pas un vain rêve, il approche, il redouble ;
De lourds gonds ont gémi. Son oreille se trouble ;
Avec l’œil de son âme, elle croit voir au fond ;
Une confuse voix sort du gouffre profond.
Aux naseaux des lions, qui rugissaient de joie,
Ces pas de pourvoyeurs font pressentir leur proie ;
Leur souffle impétueux frémit dans les barreaux ;
Isnel, l’enfant ou toi ! répètent les bourreaux.
Nos bêtes de ta chair veulent leur nourriture
Jettes-y ton enfant, ou deviens leur pâture !…
 O comble de l’horreur ! Isnel semble hésiter,
Les bourreaux aux lions vont le précipiter.
Mais quelque chose tombe au fond du noir repaire :
Doute atroce ! est-ce, ô nuit, ou le fils, ou le père ?
Les lions couvrent tout de leur rugissement ;
Puis d’un enfant tombé l’affreux vagissement,
Et le bruit de ses os, que leur mâchoire broie,
A l’effroi de la mère ont révélé leur proie…
Le sein contre la pierre elle tombe d’horreur,
Ses membres convulsifs palpitent de terreur ;
Au cliquetis des os que les lionceaux mordent,
Ses bras désespérés sous sa tête se tordent ;