Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/355

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Oh ! ces vers de la terre ont enchaîné leur roi !
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Pourquoi me regarder de ce regard d’effroi ?
Cédar ! si c’est ton nom, si l’humble créature
Peut prononcer ce nom sans souiller ta nature,
Pourquoi, sous mon regard, ce geste de stupeur ?
C’est à toi de parler, c’est à moi d’avoir peur !
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Va, de tes oppresseurs je ne suis que l’esclave,
Mais esclave de nom, qui les trompe et les brave !
Confidente, instrument du vil tyran des dieux,
Quoique enfant, sous son nom je règne dans ces lieux.
Au seul nom de Lakmi tout tremble ou tout s’incline ;
Ce que mon front séduit, mon esprit le domine.
Mon amour est le ciel, ma haine est le trépas !
Tout ordre cède au mien, tout seuil s’ouvre à mes pas ;
Je suis du roi des dieux le regard et l’oreille.
Quand il parle, j’entends ; pendant qu’il dort, je veille.
J’ai son sceptre et sa vie entre mes faibles mains.
Cet anneau du palais m’ouvre tous les chemins :
Je l’ai du doigt du maître enlevé tout à l’heure,
Pour porter un rayon d’espoir dans ta demeure
Et détourner le fer déjà levé sur toi.
Je ne sais quel instinct criait d’horreur en moi ;
Je ne sais à tes pieds quelle main m’a poussée,
Ni pourquoi j’entendais tes cris dans ma pensée !
Mais Lakmi pour te voir marcherait sur le feu,
Et croit en te sauvant sauver bien plus qu’un dieu.