Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/367

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De l’aurore à la nuit son attente insensée
Dévorait les instants, d’heure en heure élancée,
Et des siècles de nuits pleines de ses amours
Aux genoux du captif lui paraissaient trop courts.

En vain à son chevet les esclaves tremblantes
Essayaient d’animer ses langueurs indolentes,
Adoraient de son front la naissante beauté,
Relevaient de ses yeux le regard velouté,
Lui parlaient à l’envi du pouvoir de ses charmes,
Briguaient sa confidence et pleuraient de ses larmes ;
En vain Nemphed, jaloux de devancer ses vœux,
Passait sur son beau front la main dans ses cheveux,
Et, sur ses traits charmants découvrant un nuage,
Lui demandait quel songe attristait son visage.
Toute sa vie avait changé sous un regard ;
Elle se retirait de la foule, à l’écart,
Elle cherchait la nuit des arbres les plus sombres ;
Le cèdre pour ses pas n’avait plus assez d’ombres ;
Seule, elle s’enfonçait sous leurs mornes rameaux,
Les quittait pour s’asseoir pensive aux bords des eaux,
Regardait tout le jour, dans les bassins de marbre,
Flotter le nénufar, tomber la feuille d’arbre,
Écoutait fuir la brise ou la source pleurer,
Mais nulle part longtemps ne pouvait demeurer,
Et, d’un instinct sans but secrètement poussée,
Changeait à chaque instant de place et de pensée.
Les spectacles des dieux, les féroces plaisirs,
Qui de sa vie passée occupaient les loisirs,