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Elle quittait ses pieds enivrée d’allégresse,
Heureuse tout un jour d’un seul mot de tendresse.

Une nuit que Cédar, d’un ton plus languissant,
De l’amour à sa voix avait donné l’accent,
Et, dans l’illusion dont l’erreur le domine,
Serré d’un geste étroit l’enfant sur sa poitrine,
Lakmi, qu’éblouissait sa folle passion,
Crut sentir son triomphe à cette pression.
Un cri, de son bonheur trahissant le mystère,
De son cœur éclaté jaillit involontaire.
« Ah ! le feu de mon âme à la tienne enfin prend,
Cédar ! s’écria-t-elle ; enfin il me comprend ! »
Mais lui, comme un serpent qu’avec horreur on touche,
D’un geste de dégoût s’écartant de sa couche,
Et retirant soudain ses membres repliés,
La laissa sur le sol se rouler à ses piés,
Et, plissant de dédain sa superbe paupière,
La regarda d’en haut ramper dans la poussière.

L’humiliation, l’horreur, l’étonnement,
Les frappèrent tous deux de silence un moment,
Tel qu’après chaque éclair échappé du nuage
Un silence interrompt ou précède l’orage ;
Mais Lakmi, reprenant sa ruse avec ses sens,
La première à la fin retrouva des accents,
Pour lui baiser les pieds se traînant humble et douce,
Comme un chien qui revient au pied qui le repousse :