Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

N’écrase pas du pied ta rampante couleuvre !…
Laisse-moi de ta fuite en secret ourdir l’œuvre.
Ronger comme un lézard les murs de cette tour.
Te rendre à la lumière, aux déserts, à l’amour ;
Et de tes fers tombés brise après ton esclave.
Comme on jette la lime en dépouillant l’entrave !… »

Le courroux de Cédar à ces pleurs s’amortit.
« Sors en paix, pauvre enfant ! » dit-il. Elle sortit…
Elle sortit, non pas telle qu’en sa présence
La ruse avait courbé sa fausse complaisance,
Mais le cœur bouillonnant de cet excès d’affront,
Précipitant sa marche et redressant le front,
Ivre de désespoir, d’amour, de jalousie,
En mots entrecoupés semant sa frénésie :
« Cet amour refusé, je le déroberai !
Si je tombe… en tes bras du moins je tomberai !
Périsse avec Lakmi ce palais qu’elle abhorre !
Nul ne doit échapper au feu qui la dévore.
Que ces cruels Titans s’entr’égorgent entre eux !
Que l’enfer montre au ciel leurs mystères affreux !
Que dans ses fondements leur Babel s’engloutisse,
Pourvu que mon bonheur précède leur supplice ;
Et que Lakmi, mêlant sa joie à leur trépas,
Emporte dans la mort son rêve entre ses bras ! »

Cependant le palais était mouvant d’intrigues,
Et Nemphed surveillait de l’œil toutes ces brigues.