Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/374

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À son regard partout de piéges occupé,
Les complots d’Asrafiel n’avaient pas échappé.
Il avait attendu que sa ruse plus mûre
Découvrît mieux au coup le défaut de l’armure :
Il avait reconnu des signes précurseurs,
Et compris qu’il fallait tomber sans défenseurs,
Ou, de ce furieux prévenant la colère,
Avant le bras levé lui donner le salaire.
Après un court sommeil dans la terreur dormi,
Sur ses genoux tremblants il attira Lakmi :
« Que l’œuf de mon courroux soit couvé dans ton âme,
Toi qui du fer vengeur couvres de fleurs la lame !
Belle enfant dont le front masque si bien la mort,
Nuage du matin où mon tonnerre dort !
Que ce secret divin meure dans ta poitrine :
Asrafiel a creusé sous nos pas une mine.
Si tu n’étouffes pas la mèche dans sa main,
Mon empire et Lakmi seront à lui demain.
Serendyb et Znaïm sont des fils de sa trame.
À qui donc confier ta vengeance, ô mon âme !
Sur ces conspirateurs si je lève le bras,
Ma menace impuissante assure mon trépas ;
L’arme qu’empruntera ma main contre le traître
Contre mon propre sein se tournera peut-être.
Dans ce péril suprême il n’est qu’un seul salut
Te jeter, belle enfant, entre l’œil et le but,
Vers l’amour un moment attirer sa pensée,
De tes bras faire un piége à cette âme insensée ;
Dans l’embûche de mort attirer le lion,
Et tuer dans le chef toute rébellion.