Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/378

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Auprès de Daïdha, furtivement conduite,
Dans ce palais des pleurs en secret introduite,
L’amante infortunée était devant ses yeux.
Transformant à son gré son front insidieux,
Lakmi la contemplait, sans dire une parole,
De ce regard de sœur qui plonge et qui console ;
Et, donnant à sa lèvre un doux pli de pitié,
Semblait de cette peine aspirer la moitié.

À ses chers orphelins, à son époux ravie,
Mais dans un lieu céleste en déesse servie,
Daïdha n’était plus la naïve beauté
Dont les longs cheveux noirs paraient la chasteté.
De ses membres captifs magnifiques entraves,
L’or, la soie et l’argent, tissés par des esclaves,
En plis voluptueux répandus sur son corps,
De ses pieds embaumés venaient baiser les bords.
Des ondes de saphirs, de perles et de pierres,
Ruisselaient de sa tête en splendides rivières,
Et semblaient, de son teint relevant la pâleur,
Une dérision au front de la douleur.
On eût dit une iris sans soleil ni rosée,
Et se fanant dans l’or où la main l’a posée.
La veille desséchait ses membres amaigris ;
De livides sillons tachaient ses traits flétris ;
Sur sa joue, où la rose avait éteint ses charmes,
Deux rides indiquaient le lit séché des larmes,
Comme l’herbe abattue et le gazon foulé
Montrent à nu la place où la source a coulé.