Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/393

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« Oui, lave, ange trompé, ton erreur dans ma mort !
Frappe-moi sans pitié ! brise-moi sans remord !
Je savais à quel prix ma criminelle ruse
Dérobait le bonheur que ton cœur me refuse !
J’ai fait le pacte impie, et ne m’en repens pas :
Ce songe d’un moment valait bien le trépas !
Ma vie est un orage, il devait se résoudre ;
J’ai dérobé le ciel, et j’accepte la foudre !
Qu’elle frappe à présent ! je la provoque ! adieu !
J’emporte dans l’enfer la mémoire d’un dieu ! »
Elle dit, et, cessant l’épouvantable lutte,
Dans l’abîme tomba, résignée à sa chute ;
Et, comme une immondice enlevée à ses bords.
Teint de fange et de sang, le flot roula le corps.

De haine et de stupeur, debout sur le rivage,
Cédar avec dégoût détourna le visage ;
Et, levant vers le ciel les cheveux dans sa main,
Du pas d’un insensé revint sur son chemin.
La colère renflait sa bruyante narine ;
Un sourd rugissement sortait de sa poitrine ;
Ses pas retentissaient sur le sol souterrain,
Comme les pas pesants d’un colosse d’airain.
Les lions des forêts fuyaient à son approche,
Et l’aigle épouvanté s’envolait de sa roche.
Agité par la crainte et par le repentir,
On entendait les coups de son cœur retentir ;
Par moments s’échappaient d’entre ses dents grinçantes
Des paroles sans suite et des voix mugissantes.