Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/413

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Le souffle du désert grondant dans sa narine,
D’un seul coup de sa tête enfonce la poitrine.
Asrafiel, à ce choc qui le fait chanceler,
De ses côtes de fer sent les os vaciller ;
La force de son bras manque au coup qu’il assène ;
Ses poumons écrasés font ronfler son haleine ;
Mais, pressant de Cédar la nuque entre ses doigts,
Ses deux coudes ouverts, il l’écrase du poids,
Et, comme un sanglier plonge sa dent d’ivoire,
Dans son épaule nue enfonce sa mâchoire.
Tel on voit, pour ouvrir ses cinq ongles mordants,
Le dogue secouer le tigre avec ses dents,
Cédar, sans étancher son sang pur qui ruisselle,
Écrase le géant sous sa robuste aisselle.
Le colosse à l’instant, frappé du coup mortel,
Croule avec son vainqueur aux marches de l’autel.
Les globes de ses yeux tournent sous sa paupière ;
Son front sonore est pâle et froid comme la pierre.
Cédar, penché sur lui, le prend par les cheveux,
Tend, pour le soulever, ses deux poignets nerveux,
Et, contre l’autel même où son forfait s’expie,
Comme un vautour dans l’œuf, brise son crâne impie ;
Puis, cherchant du regard ses autres ennemis,
Il voit tout, devant lui, mort, fuyant ou soumis.

Le peuple fluctuant, que la peur encourage,
Pendant l’affreux duel, s’acharnant au carnage,
Avait, vengeant d’un jour tant de jours odieux,
Égorgé sans combat la moitié de ses dieux ;