Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/412

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Le peuple à flots pressés l’accompagnait en foule.
Tel, au milieu d’un lac quand une tour s’écroule,
On voit ce lac, grossi par les rocs éboulés,
Surmonter ses hauts bords de ses plis refoulés,
Et, dépassant du flot les grèves du rivage,
Suspendre son écume au rocher qui surnage :
Telles, tombant au sein de ce monde avili,
Où de l’iniquité l’abîme était rempli,
La colère d’un homme et sa seule énergie
Avaient d’un peuple entier troublé la léthargie,
Et de ces murs sacrés, qu’il n’osait regarder,
Jusque sur ses tyrans l’avaient fait déborder !

Armés de jougs brisés, de socs et de massues,
Il se précipitait par toutes les issues,
Entraînant dans son flux, noyant dans sa fureur
Ces dieux qu’une heure avant adorait sa terreur.
Nul n’osait se roidir contre ce grand déluge ;
Tous tombaient ou mouraient, ou cherchaient un refuge.
La droite de Cédar agitait leur linceul.
Asrafiel pâlissant osa s’arrêter seul :
Il ne connaissait pas la force d’un bras libre ;
Sur ses muscles tendus reprenant l’équilibre,
De toute sa hauteur se dressant en sursaut,
De Cédar qu’il défie il attendait l’assaut.
Daïdha d’une main pressait encor sa jambe.
Cédar venant à lui sur le corps qu’il enjambe,
Comme un bélier jaloux qui, pour abattre un tronc,
Incline obliquement les cornes de son front,