Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/434

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Comme du nénufar l’ombre les rafraîchit !
Comme du citronnier le rameau qui fléchit
Roule à leurs pieds joueurs ses savoureuses pommes !
Que de fleurs, que de miel, que de sucs et de gommes
Distillent de l’écorce ou pleuvent des rameaux,
Ou de la ruche pleine échappent en ruisseaux !…
Qu’il fait bon en ces lieux, qu’un seul aspect offense,
Que menace un seul mal ! bourreau, c’est ta présence !… »
Et, regardant Cédar avec ce long regard
Où l’œil de l’insensé semble rougir un dard,
Daïdha reculait sa tête renversée,
Et d’un geste à l’époux traduisait sa pensée ;
Pressant contre son cœur, hélas ! ses enfants morts,
Elle les dérobait dans les plis de son corps !

En vain, des plus doux noms conjurant ce délire,
Cédar cherchait ses yeux, leur parlait du sourire ;
Ses plus tendres regards n’inspiraient que terreur,
Elle n’avait pour lui que geste et cri d’horreur !
Ah ! ce fut là le fond de son amer calice !
Dans la dernière goutte il but tout son supplice.
Dans ce sort à son sort par le trépas lié,
Son cœur fort jusque-là s’était multiplié :
Mourir, oui ! mais mourir aimé de ce qu’on aime
Attendrirait du moins l’embrassement suprême !
S’en aller réunis vers un plus doux séjour,
Cette agonie encore eût été de l’amour !
Mais n’être plus connu de cet œil fixe et sombre,
Du seul point lumineux qui restât dans son ombre !