Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/435

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Ne pouvoir rappeler du regard, de la voix,
Ce rayon dont l’amour l’inondait autrefois !
Frapper de sa parole une oreille de pierre,
Ne trouver qu’un abîme au fond de sa paupière !
Que dis-je ? être soudain devenu pour ses yeux
L’objet le plus étrange et le plus odieux !
La voir tendre les mains pour que Dieu la délivre !
Ah ! c’est mourir cent fois par ce qui faisait vivre !
C’est voir le passé même échapper ! c’est sentir
Le cœur où s’appuyait le cœur s’anéantir !

À l’horrible lueur de ce tourment suprême,
Cédar douta de lui, d’elle, de Dieu lui-même ;
Comme un homme qui sent finir tout sentiment,
Son âme eut du néant l’évanouissement.
Il roula dans ce gouffre, écrasé sur les pointes.
Le cou plié, le pied en avant, les mains jointes,
Immobile il resta contemplant Daïdha,
Et la mer de douleurs flot à flot l’inonda.
Quand il revint à lui pour marcher vers l’aurore,
Il voulut dans ses bras la soulever encore :
Mais Daïdha, nouant ses doigts comme attachés
Aux maigres filaments d’arbustes desséchés,
Et cramponnée au sol d’une étreinte farouche,
De poussière et de sang se remplissait la bouche ;
Et, couvrant contre lui ses enfants de son sein,
Dans son époux, hélas ! voyait leur assassin.
Il ne put l’arracher, trop faible, de la terre
Où sa fureur cherchait une mort volontaire ;